Xavier GIANNOLI
France 2021 2h29mn -
avec Benjamin Voisin, Cécile de France, Vincent Lacoste, Louis Do de Lencquesaing, Gérard Depardieu, Jeanne Balibar, Jean-François Stévenin, Xavier Dolan, André Marcon...
Scénario de Xavier Giannoli et Jacques Fieschi, d’après le roman d’Honoré de Balzac.
Avec Illusions perdues, nous sommes pendant la Restauration, cette période qui – rappelons le pour ceux qui dormaient au fond de la classe en cours d’histoire –, va de 1814 à 1830 et a vu, après la chute de Napoléon, la royauté se rétablir en la personne de Louis XVIII, avec en corollaire le retour au galop des privilèges aristocratiques. Lucien Chardon, jeune et fringant poète plein d’espoir, natif d’Angoulême, signe ses vers Lucien de Rubempré, nom de naissance de sa défunte mère. Il croit en la vie et en son destin, surtout quand la belle baronne Louise de Bargeton le présente comme un artiste prometteur dans son salon où les aristocrates et notables locaux trompent difficilement leur ennui provincial. Au-delà de la reconnaissance, il conquiert aussi le cœur ou du moins la couche de la belle aristocrate, flanquée d’un mari cacochyme et avant tout préoccupé de chasse. Or, c’est bien connu, qui va à la chasse… Mais rapidement la rumeur de leur liaison enfle et le scandale éclate, poussant les amants à se faire oublier en prenant la route de Paris.
Le film de Giannoli, captivant et emballant de bout en bout, met en lumière l’incroyable modernité de l’œuvre de Balzac qui, 15 ans avant Marx, avait su décortiquer son époque où, derrière les vieux ors de l’aristocratie, montait en puissance le monde de la spéculation, de l’argent roi, et où l’aspiration à plus de démocratie apparente ne serait qu’un moyen pour quelques futurs barons de l’économie de s’enrichir encore davantage. Il n’échappera par ailleurs à personne que Giannoli évoque très fort, et à raison, l’état de notre presse, de nos médias d’information continue où plus rien n’a de sens si ce n’est la course au buzz et à l’audimat indispensable pour engranger les recettes publicitaires.
Illusions perdues impressionne par son énergie, son sens du rythme, sa richesse narrative, l’ampleur de sa mise en scène – les fastes corrompus de l’époque sont superbement reconstitués –, et son exceptionnelle troupe d’acteurs : on n’en distinguera aucun, on n’en citera aucune, tous sont au diapason, du plus grand au plus petit rôle.