L'idée initiale que Emin Alper avait en tête était de décrire un idéaliste solitaire luttant contre l’élite corrompue d'une ville. L'idée a été inspirée au réalisateur par les récentes expériences politiques de son pays. Il explique : "On peut toujours avoir le courage et l'envie de se battre contre des politiciens corrompus et autoritaires, mais quand on voit que ces gens sont populaires et qu’ils sont réélus par le peuple encore et encore, on se sent désespéré, et isolé."
"Et puis, après un certain temps, on sent que l’on doit surmonter sa dépression et recommencer à se battre, jusqu'au prochain échec. Ces dernières années, nous avons été pris dans un cercle vicieux de ce genre. Non seulement mon pays, mais plusieurs autres connaissent des expériences similaires. J'ai donc décidé d'écrire une histoire pour dépeindre ce cas presque universel et transmettre la solitude des gens qui sont consternés par la montée des populismes autoritaires."
"Yaniklar, où se déroule l’action du film, est une ville entièrement fictive mais c’est un microcosme de la Turquie. Il fallait créer un microcosme, comme Ibsen l'a fait dans Un ennemi du peuple. Cette pièce, écrite il y a près d'un siècle et demi, a été l'une de mes grandes inspirations."
Un peu de thriller
Burning Days emprunte des éléments au thriller, ce qui n'était pas prévu lorsque le projet en était à ses débuts. Après avoir esquissé le cadre (c'est-à-dire la pénurie d'eau), Emin Alper a dû créer des éléments supplémentaires pour complexifier l’intrigue et approfondir le caractère du procureur. Le metteur en scène précise :
"Et là, j’ai compris que l'histoire devait ressembler à un polar. Je suis toujours étonné de voir à quel point les gens ignorent facilement les actes criminels des leaders populistes qu’ils aiment tant. Avec une forme empruntée au thriller, je soulignais le fait que la renommée des populistes n'est jamais affectée par leurs actes délictueux, et j'offrais à mon récit des éléments de suspense."
La pénurie d'eau
La pénurie d'eau en Turquie devient de plus en plus problématique. Et les dolines - ces formes d’érosion brutales et circulaires - constituent un vrai problème en Anatolie centrale. Avec la disparition des nappes phréatiques, le nombre de dolines augmente rapidement et crée un réel danger pour les populations : "Malgré ce danger, la surconsommation d'eau se poursuit. Les populistes sont populaires car ils jouent toujours sur les besoins les plus facilement exploitables des populations."
"Ils proposent des solutions factices à ces besoins immédiats en profitant de l’aveuglement des gens et de leurs préjugés. Ainsi, le problème de l'eau de Yaniklar pourrait être celui de la terre acquise en détruisant les forêts amazoniennes, du pétrole qui est censé rendre tout le monde riche, ou même des immigrants qui sont prétendument la source de tous les problèmes. Ces gouffres béants symbolisent les fosses dans lesquelles les populistes nous entraînent", raconte le cinéaste Emin Alper.