Écrit et réalisé par Ali ABBASI - Suède / Danemark 2022 1h56mn VOSTF
avec Zar Amir Ebrahimi, Mehdi Bajestani, Arash Ashtiani, Forouzan Jamshidnejad... Festival de Cannes 2022 : Prix d’interprétation féminine pour Zar Amir Ebrahimi.
Scindé en deux parties assez distinctes, le film nous entraîne d’abord dans les quartiers populaires de Mashhad, troisième plus grande agglomération de l’Iran. Une ville très religieuse qui attire plus de vingt millions de pèlerins musulmans chaque année.
On y suit en parallèle deux trajectoires : celle de Rahimi, une jeune femme journaliste d’un grand quotidien de Téhéran, tout juste arrivée dans cette ville sainte pour enquêter sur une série de meurtres de femmes prostituées, et celle de Saheed, l’assassin, rôdant la nuit sur sa mobylette dans les faubourgs de la cité, choisissant sa proie, l’attirant dans sa toile avant de l’étrangler sauvagement.
Crime après crime, le film gagne en tension, dessinant petit à petit le portrait psychologique de ces deux personnages. D’un côté un « serial killer la nuit / bon père de famille le jour », vétéran de la guerre Iran – Irak, à la fois sadique et mythomane, autopersuadé d’être investi d’une mission divine (personnage d’une noirceur et d’une ambivalence insondables, interprété à la perfection par l’acteur de théâtre iranien Mehdi Bajestani), de l’autre, une femme indépendante, combative et déterminée (Zar Amir Ebrahimi est de fait formidable et n’a pas volé sa breloque cannoise), qui se rend compte rapidement qu’elle ne pourra compter que sur elle-même pour faire la lumière sur cette affaire terrifiante de féminicides.
Basée sur des faits réels survenus en 2000 et 2001, cette histoire porte en elle les germes d’une colère profonde. Le regard porté sur les victimes mais plus généralement la place accordée aux femmes dans la société iranienne doit changer, nous dit le réalisateur. En choisissant une héroïne comme personnage central de son film, Ali Abbasi défie frontalement et courageusement l’ordre établi et pose la question de l’avenir de ces sociétés fondamentalistes, patriarcales jusqu’à la moelle et jusqu’à l’absurde, s’enfonçant toujours plus dans l’obscurantisme.