Les Colons revient sur une page oubliée de l'histoire officielle du Chili, qui ne figure pas dans les manuels scolaires. C'est en lisant un article quinze ans plus tôt que Felipe Gálvez Haberle a découvert le génocide des Indiens Selk’nam au Chili. Le réalisateur déclare : "je me suis intéressé à ces autres événements du début du XXème siècle, eux aussi ignorés. Que se passe-t-il dans un pays, quand on efface une page entière de son histoire ? Plutôt que cet effacement de la dictature au présent, pourquoi ne pas revenir à un autre effacement, qui a eu lieu cent ans auparavant ? Quelles en sont les conséquences jusqu’à aujourd’hui ?"
Paradoxalement, les Selk’nam au Chili font aujourd’hui partie de l’imagerie populaire : "Vous allez à l’aéroport, vous trouverez des poupées Selk’nam, du chocolat, du vin à leur effigie. Ce qui m’intéresse dans tout cela et à travers le film, c’est de comprendre comment cette histoire est désormais entrée dans l’imaginaire national, alors que cette population a quasiment disparu."
Montrer la violence
Les Colons n'épargne pas aux spectateurs la violence du monde qu'il représente. Pour le réalisateur, occulter la violence et la brutalité de cette histoire n'avait pas de sens : "cela aurait été pour moi une faute impardonnable, un compromis inacceptable au regard de l’Histoire et des victimes. Il y a eu tellement peu d’opportunités, dans le cinéma chilien, de mettre en scène cette chasse aux Indiens, qui étaient un peuple pacifique. J’ai mis neuf ans à faire ce film et je ne l’envisageais pas autrement. Je me devais d’être explicite et clair sur ce qui s’est réellement passé. Cela relevait de ma responsabilité de cinéaste."
En deux temps
L’histoire est racontée en deux temps, sur deux périodes et deux registres différents. Le spectateur suit tout d’abord l’expédition des trois personnages en mission, puis se retrouve dans les demeures de Menéndez et Segundo. "Je voulais que la première partie se passe à l’air libre : un voyage à cheval, en compagnie de trois personnages, avec lesquels on peut s’identifier ou prendre ses distances. [...] Après des paysages superbes, traversés de couleurs franches et vives, on bascule dans un intérieur obscur et figé. La première partie montre les faits, les actions violentes et la seconde est constituée de mots", explique le réalisateur.